vendredi 4 novembre 2016

" L'homme qui savait la langue des serpents " d' Andrus Kivirähk

en LC avec ma chère Laure de Micmélo ;-) et rejoignant ainsi Lybertaire , Mark et Marcel , et le groupe de Sandrine : "Lire le monde"

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C'est épatant comment l'homme, jouant avec les mots, arrive à produire des textes d'une diversité infinie, c'est une chose qui me réjouit toujours ;-)
Voici un livre profondément original, pour le coup ! 

Comment pourrait-on qualifier une dystopie, mais portant sur le passé, et ayant également une forte composante critique de ce qui a bâti un pays ?

Définition :"Une dystopie est une forme de récit de fiction qui se déroule dans une société imaginaire organisée de telle manière que ses membres ne peuvent accéder au bonheur."

Ok, alors on y est à fond, mais... en Estonie et au XIIIième siècle !

Le jeune Leemet vit dans la forêt, comme les siens l'ont toujours fait, parlant la langue des serpents -qui sont les animaux les plus proches des hommes depuis la nuit des temps. Las, les "hommes de fer", arrivant par la mer, envahissent le pays, que la Salamandre, créature fabuleuse, avait toujours défendu jusque lors. Les chevaliers impressionnent les péquenots au point qu'ils délaissent les sous-bois pour la ville, acceptant de délaisser toutes leurs traditions, et se convertissant dans tous les sens du terme aux croyances de l'envahisseur. Ben oui, ils viennent de loin , ils savent, eux ! 
Seuls quelques uns résistent... le peuple de la forêt survivra-t-il ? A quel prix ?

L'éditeur :
Voici l'histoire du dernier des hommes qui parlait la langue des serpents, de sa sœur qui tomba amoureuse d’un ours, de sa mère qui rôtissait compulsivement des élans, de son grand-père qui guerroyait sans jambes, d’une paysanne qui rêvait d’un loup-garou, d’un vieil homme qui chassait les vents, d’une salamandre qui volait dans les airs, d’australopithèques qui élevaient des poux géants, d’un poisson titanesque las de ce monde et de chevaliers teutons épouvantés par tout ce qui précède... 
Peuplé de personnages étonnants, empreint de réalisme magique et d’un souffle inspiré des sagas scandinaves, un roman à l’humour et à l’imagination délirants.

Je vous espère intrigués ? Je vais tâcher de vous en dire plus ;-)
Dans une postface d'une douzaine de pages intitulée "Le pamphlet sous la fable" le traducteur JPierre Minaudier éclaire pour nous le sens caché -pour qui n'est pas estonien!- du texte. 
En effet, dans un pays qui n'a recouvré l'indépendance qu'en 1991, c'est peut-être une seconde nature que de camoufler un peu prudemment ses propos ... car c'est aussi comme un pamphlet et non comme un simple conte fantastique que le roman de Kirivähk a été accueilli en Estonie. Où il a connu un succès phénoménal depuis sa parution en 2007 
On parlerait ici de l'état idéalisé dans lequel dans lequel les Estoniens sont sensés avoir vécu dans la préhistoire, avant l'invasion allemande du XIIIième siècle : un peuple libre  qui se gouvernait lui-même, vivait en paix et en harmonie avec la nature (...) les Estoniens, "peuple de la forêt". Mais évidemment en regardant tout cela d'un regard très critique et en écorniflant quelque peu le roman national (voire nationaliste, comme vous l'avez bien imaginé)
Plus largement, bien sûr, on parle de conflits entre anciens et modernes, de la notion même de progrès, de la nostalgie pour une société très enjolivée dans la mémoire des passéistes, pas objectifs du tout, du désir éperdu de l'homme d'être dans une croyance, du tort extrême que ce besoin de croyance peut pourtant nous faire ... 
Anticlérical, non-réactionnaire, vaguement écologiste -mais pas trop- le roman file la métaphore du "progrès nécessaire"... qui peut parler à tous. Avec pour les français des relents du Roman de Renart de notre enfance, des situations cocasses et une langue pittoresque.
C'est un récit de désenchantement du monde, d'un pessimisme assez radical ...et souvent d'une drôlerie !! Si la violence devient de plus en plus prégnante, l'humour traverse tout l'ouvrage et l'aère fort heureusement.
C'est délirant, c'est parfois trivial mais plus souvent poétique ou onirique, c'est une lecture dans laquelle je me suis enfoncée avec jubilation durant les deux cent premières pages, puis qu'il m'est arrivée de trouver un peu longuette... alors que le récit s'assombrissait jusqu'au lugubre. 
Reprenant les mots du traducteur, je vous invite à découvrir l'immense tristesse de ce livre très drôle, ce récit médiéval fantastique, véritable OLNI.

MIOR. 



                    Minaudier présente le livre en 3'52. Tout est dit ;-)

24 commentaires:

  1. Merci pour cette lecture commune ! J'ai adoré ce livre, coup de coeur pour moi, et je m'aperçois une nouvelle fois que j'adooooooore les dystopies :-)

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    1. pour moi qui n'en suis guère friande, une très bonne surprise ! Sympa cette LC ;-)

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  2. Tu penses bien que je n'ai pas raté cet OLNI (et Minaudier est l'auteur du super génial incontournalissime Poésie du gérondif -le contenu est absolument inverse de l'idée que donne le titre, oui)

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    1. Oui!!! Figure toi que je viens de l'acheter :-))
      Est ce que ce sera un aussi grand plaisir de lecture que le génial "Verbier" de Michel Volkovitch ?... ( ah ah , tu le connais celui-là ?....)

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    2. Voui, je connais, il me semble l'avoir démarré un jour...

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    3. lu sur la plage , en Bretagne , comme un roman :-)) j'avais adoré

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  3. Je ne connais pas bien le genre de la dystopie et je vais peut-être dire une bêtise, mais je n'aurais pas qualifié ce roman de dystopique, car les gens du village n'ont pas l'air fondamentalement malheureux avec leurs croyances, si ?

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    1. Une dystopie est un récit de fiction à l'imaginaire plutôt sombre (en général projeté dans le futur , je te l'accorde ; ici, l'auteur "rembobine" ) . C'est bien ce que vit ici le pauvre Leemet, coincé entre anciens et modernes , tous convaincus de détenir la vérité... Foutraque et drôlatique ce récit fantastique sur l'Estonie ancienne ! mais aussi une fable sur la façon dont les sociétés évoluent...avec des croyances proches du fanatisme... :-(

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  4. Je rejoins ton enthousiasme, c'est un titre que j'avais vraiment aimé, à la fois sombre et drôle, inventif. Et j'avais trouvé qu'au-delà de sa dimension romanesque, il ouvre le lecteur sur une réflexion très intéressante quant aux problématiques d'assimilation, d'intégration, des dangers de la domination d'une culture sur une autre.

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    1. Très bien résumé ;-)
      j'avoue que la postface a relancé mon intérêt, qui s'était un peu émoussé à mi parcours...mais la fin, sombre, crépusculaire même , est réussie ( ça n'était pas évident )

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  5. C'est très très alléchant ! J'aime beaucoup ton préambule, je m'en étonne souvent aussi !

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    1. oui c'est extra de jongler avec les mots pour des résultats si différents ! et tant de choses intéressantes :-)

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  6. Déjà noté chez Ingannmic, il faut que je dégage un espace temps suffisant car il doit demander une certaine concentration, non ?

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    1. ah non pas du tout ! 450 pages, et d'un abord très facile ; c'est un récit d'aventures très divertissant, surtout au début (imagination délirante !) dont se dégage peu à peu des questionnements philosophiques, mais light, rassure toi !

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  7. je suis une fan absolue de la poésie du gérondif . Ce roman m'a déjà fait de l’œil et puis je l'ai laissé passer , j'y reviendrai certainement.

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    1. La "poésie du gérondif" est maintenant dans ma Pal, piaffant d'être lue ! Ici le travail de Minaudier en tant que traducteur est épatant car il connaît manifestement bien ce pays, son histoire etc...le gars ayant l'air redoutablement cultivé de toute façon

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  8. Alors là, je suis le vilain petit canard... J'ai commencé ce roman à sa sortie, mais n'ai pas accroché à ce genre, j'ai du mal avec ce genre de Moyen-Âge imaginaire, impossible de m'y intéresser !

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    1. Je peux tout à fait comprendre, avec moi ca n'était pas gagné non plus ! Mais j'ai été séduite par le ton, l'imagination débridée du début , j'ai dévoré les cent cinquante premières pages , ensuite il y a vraiment des longueurs je trouve, puis un final triste et convaincant. Une curiosité en tout cas ! Ça change de "moi, ma vie mon oeuvre et mon nombril" ;-))

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  9. Tu as le don d'éveiller ma curiosité avec ce titre OVNI.

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    1. OLNI, objet littéraire non identifié, je confirme ! ;-)

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  10. Franchement, j'ai beaucoup aimé. Pourtant les pavés et moi, cela fait deux !

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    1. Bah, pas vraiment un pavé, si ? J'aurais dit 450/500 pages, dans la très jolie édition de poche du Tripode, un volume aux proportions et à la police Très agréables !

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  11. Même chose, j'ai adoré ce livre (et le suivant - même si un peu moins - avec un autre titre étrange (il y a "groseilles" dedans). C'est ma belle-soeur estonnienne qui me l'a offert et je peux te dire qu'on retrouve effectivement dans ce roman ce qui fait l'essence de ce peuple très particulier. Bisous de Sandrion !

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    1. tu es donc déjà allée en Estonie, chanceuse ? Pour l'Estonie du XXième siècle je n'avais lu que "Purge" de Sofi Oksanen, qui décoiffe !...

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Mior